
La Lettre de Transition Plus
N°38 Printemps 2018
EDITO
Dans la vie professionnelle, qu’est-ce que la réputation ?
Selon le Robert, c’est le fait d’être avantageusement connu pour sa valeur professionnelle. C’est-à-dire un mélange de notoriété et d’image, auquel il convient d’ajouter l’idée de valeur, présente dans l’étymologie même du mot (à l’origine il renvoyait à la notion de compte et d’évaluation).
La RÉPUTATION PROFESSIONNELLE, qui est le thème de ce numéro, est bien en effet l’évaluation, faite par le plus grand nombre, de sa propre valeur professionnelle.
Mais pour autant ne dépend-elle que des autres ?
Non, nous sommes convaincus que chacun peut y travailler, agir pour défendre et renforcer la sienne. Comment ?
Le premier moyen auquel chacun pense aujourd’hui, car il est le plus puissant et le plus accessible, est naturellement Internet, et nous n’avons pas pu ne pas aborder le sujet sous l’angle de l’e-réputation.
Nous avons demandé à Cyril Bladier, qui conseille de nombreux dirigeants d’entreprises sur ce thème, de définir ce qu’est l’e-réputation, de nous en dire les enjeux dans une carrière aujourd’hui et les moyens de bien la gérer, en particulier sur les réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn.
En parallèle, nous nous sommes interrogés sur les moyens de bien gérer sa réputation professionnelle dans ce moment critique que peut être une séparation avec son employeur. C’est particulièrement important pour un cadre à ce moment-là car il aura précisément besoin du soutien de son réseau. Aussi, un second article détaille les éléments sur lesquels il doit travailler pour maintenir, et même renforcer, sa réputation professionnelle au cours de ce passage critique.
La bonne réputation est un collier de perles dit un proverbe arménien.
Nous espérons que ces articles vous intéresseront et participeront un peu à magnifier le vôtre.
Nous vous en souhaitons une bonne lecture.
Cordialement plus.
Domitille Tézé

Cyril Bladier
Fondateur de l’agence Business on line, Cyril Bladier aide des dirigeants d’entreprises à développer leurs performances sur Internet et à gérer leur e-réputation. Il est l’auteur de La Boite à outils des réseaux sociaux*.
Quand on parle de e-réputation, de quoi parle-t-on ?
L’e-réputation est l’image que donnent de nous toutes les informations qu’on trouve sur Internet nous concernant.
Il y a deux composantes : l’information mise par nous, qu’on maitrise (comment on se présente, ses compétences, ses caractéristiques, ses propos, qu’on trouvera par exemple dans les réseaux sociaux, dans une prise de parole ou une interview…) et une information mise par d’autres, qu’on ne maitrise pas, qui peut être positive, négative, correcte ou erronée.
Internet est la première porte d’accès à l’information et le premier réflexe des chasseurs de tête, des prospects, des clients pour se renseigner sur une personne. Si une première impression forge une image, il faut penser qu’aujourd’hui, cette première impression se fait souvent sur Internet, et à travers d’informations pas toujours maitrisées. La puissance d’Internet est telle que l’e-réputation déborde la réputation. La réputation c’est l’écosystème des gens proches qui nous connaissent : elle circule de bouche-à-oreille, sa portée est limitée. L’e-réputation a une portée universelle, basée sur une information disponible à tout le monde 24h sur 24. Et une information négative suffit pour nous coller à la peau sans qu’on sache comment s’en débarrasser.
D’où l’importance de veiller à la manière dont on ressort sur les moteurs de recherche, de mettre en place une alerte Google par exemple, pour en être averti et éventuellement réagir. D’où l’intérêt aussi de multiplier sa présence sur des outils qu’on maîtrise et qui sont bien référencés, comme les réseaux sociaux (LinkedIn, Xing, Facebook, Twitter, etc.) pour verrouiller les premières pages des moteurs de recherches et limiter les risques de contenus négatifs. C’est le concept de forteresse digitale.
A côté de quoi passe un cadre qui n’utilise pas les réseaux professionnels ?
A côté de sa carrière. Aujourd’hui, LinkedIn est un outil utilisé par tous les professionnels du recrutement et certains cabinets se passent même de fichiers. Au-delà de la recherche externe d’emploi, LinkedIn est aussi un outil d’évolution à l’intérieur de grands groupes où on l’utilise parfois plus que le réseau interne.
Il y a quelques semaines, l’ancienne dirigeante d’une entreprise pharmaceutique qui s’est mise à son compte a eu un très bon contact dans un grand groupe, mais elle n’a pas eu la mission : on lui a reproché de ne pas avoir de profil LinkedIn, on n’avait pas confiance en quelqu’un qui ne fournissait aucun contenu, aucun moyen de vérifier son parcours ni ce qu’elle disait.
Il y a un risque à ne pas être sur les réseaux sociaux, et aussi un risque à mal y être, à diffuser des informations qui peuvent choquer un décideur. Un dirigeant que je connais, après avoir vu le profil Facebook d’un cadre qu’il envisageait de recruter, n’a plus voulu intégrer cette personne chez lui.
Les réseaux sociaux professionnels, c'est principalement Linkedin ?
Oui, LinkedIn en France, c’est 15 millions de personnes et dans le monde 500 millions. S’il ne faut en choisir qu’un, c’est celui-là. Il est l’outil de référence utilisé par tous, pour le recrutement, la communication, le démarchage de clients, etc. Le réseau, racheté par Microsoft il y a deux ans, est en train de s’imposer. Il en existe quelques-autres spécialisés pour certains métiers, mais pour le moment, il reste le plus large, le plus universel, et sans concurrent comparable.
Dans les métiers de la communication ou du marketing, on attendra d’un cadre dirigeant qu’il soit aussi présent sur Facebook, Twitter ou Instagram, ou du moins qu’il sache utiliser ces outils.
Quels conseils donneriez à un cadre pour une utilisation optimale de LinkedIn ?
1- Être clair et précis sur sa proposition de valeur.
On voit trop de personnes se présenter comme, par exemple, Directeur Général quand un recruteur recherche une spécificité : un profil de DG de PME, d’ETI, de grands comptes, de Business Units, de sociétés cotées ou de sociétés familiales sont complètement différents. Un DG qui manage des équipes de 50, de 500 ou de 4 000 personnes, ça n’est pas du tout la même chose. Il est indispensable de définir précisément qui on est dans son profil et il faut prendre le recul nécessaire, en fonction de son parcours et de ses objectifs, pour montrer sa différence et ses particularités. Se rappeler qu’un recruteur venu sur un profil n’accorde que six secondes pour savoir à qui il a affaire.
2- Ne pas se demander comment on va se présenter, mais comment on va nous chercher.
Un recruteur (ou un client) arrive sur un profil LinkedIn en passant par un moteur de recherches. Comment va-t-il trouver le mien ? Comment ferais-je moi-même si je recherchais le profil qu’il cherche sur LinkedIn ? Quelles sont les principales clés d’entrée – les compétences, l’expérience, la formation, etc. – et comment les faire apparaître dans mon profil ? LinkedIn est une base de données : plus il y a d’informations sur son profil, plus on en multiplie les possibilités d’accès. Certains craignent que leur profil soit trop long pour être lu : il n’est pas là pour qu’on le lise, il est là pour qu’on le trouve.
3- Considérer LinkedIn comme un outil quantitatif et non qualitatif.
Contrairement à ce que beaucoup croient, LinkedIn n’a pas été conçu et ne fonctionne pas comme un outil de recommandation ou de mise en relation. C’est une base de données. La visibilité d’un profil passe par la taille du réseau. Ceux qui refusent de se connecter avec des personnes qu’ils ne connaissent pas, perdent donc en visibilité.
SEPARATION : PRESERVER (ET RENFORCER) SA REPUTATION
Qu’elle soit sous forme de licenciement ou de rupture, une séparation avec son employeur présente-t-elle un risque pour la réputation professionnelle d’un cadre ?
Oui… si elle est mal gérée.
Or abimer sa réputation à ce moment-là est d’autant plus dommageable que ce cadre aura bientôt besoin de mobiliser son réseau, de collecter et d’afficher des références, et de faire valoir tous les arguments de son employabilité.
Pour traverser la crise tout en préservant (et même en renforçant) sa réputation professionnelle, nous aidons les cadres que nous accompagnons à adopter un état d’esprit positif et un comportement salutaire.
En matière d’état d’esprit, tout d’abord : il est difficile de rester maître de ses émotions si on ne comprend pas les raisons de la séparation, si on perd confiance en soi, et si on a l’impression d’être maltraité. Le principal risque pour sa réputation c’est de communiquer de manière précipitée sur son départ, de manière, émotionnelle avec colère, ressentiment, ou désir de revanche. C’est à soi-même qu’on porte préjudice car on risque fort de griller un réseau dont on a pourtant grand besoin.
Aussi aidons-nous nos clients à prendre le temps de comprendre ce qui se passe, à l’accepter, à le relativiser pour souvent se rendre compte qu’une grande part des raisons de leur départ …n’a rien à voir avec eux.
La maîtrise de ses émotions se traduit dans la maîtrise de ses relations et de sa communication avec les autres. Un cadre a tout intérêt à faire lui-même le récit de son départ (les causes, les modalités, les conséquences) plutôt que de laisser la rumeur parler pour lui, un peu n’importe comment et souvent à son détriment.
Nous aidons nos clients à en prendre conscience, à garder la main sur le récit de leur départ, en bonne intelligence avec leur employeur (dont la réputation, ne l’oublions pas, est aussi en jeu dans cette séparation)
Communiquer de façon positive et constructive pour l’avenir est essentiel pour renforcer sa réputation : dire au revoir, rédiger des mots de départ, choisir ses mots et ses gestes sont autant d’éléments auxquels un cadre doit prêter attention. En particulier, nous invitons nos clients à organiser un pot de départ. Et si certains rechignent à cet exercice, ils sont le plus souvent récompensés par des mots de soutien et des témoignages gratifiants bien au-delà de ce qu’ils imaginaient.
Par ailleurs, les crises peuvent être des opportunités de révéler des qualités qu’on n’a pas l’occasion de mobiliser. Un cadre qui vit une séparation, mais qui assume sa situation, communique de façon claire, se montre loyal et professionnel jusqu’au bout ne peut susciter que l’estime de son entourage : force, dignité, résilience… autant de qualités nouvelles qui grandissent sa réputation.

La lettre de Transition Plus est éditée par Transition Plus
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Dépôt légal : mars 2018.