La Lettre de Transition Plus
N°48 Automne 2021
Quand le membre du COMEX d’un groupe d’assurances, responsable d’une direction depuis plusieurs années, voit son environnement évoluer et ne se sent plus en phase avec les décisions stratégiques de l’entreprise, il s’interroge…
Quand, à la suite d’une réorganisation, un cadre dirigeant d’une société industrielle se voit proposer un nouveau périmètre de responsabilité moins important et moins motivant que le précédent, il s’interroge… Les cadres dirigeants peuvent rencontrer, à un moment ou à un autre, ces moments d’interrogation et de doute où, après avoir connu la réussite, ils éprouvent le sentiment plus ou moins confus de ne plus être la bonne personne à la bonne place.
C’est un moment de crise qui, s’il s’installe, peut devenir pénible voire douloureux. C’est un moment de vérité où le dirigeant doit prendre ses responsabilités et se demander s’il doit rester ou partir ? de son entreprise. C’est un moment de courage où il doit affronter son risque, quel qu’il soit. Et c’est aussi l’opportunité de décider de tourner la page pour en ouvrir une nouvelle, et de renforcer cette idée qu’il n’est pas de grande carrière sans prise de risque.
Rester ou partir ? À quel moment un dirigeant doit-il se le demander ? Comment arbitrer ? Quels paramètres prendre en compte ? Quelles questions se poser ?
S’il est décidé de quitter l’entreprise, comment mettre en place ce départ dans l’intérêt des deux parties ?…
Pour répondre à ces questions, nous avons demandé aux consultants de Transition Plus de nous donner leur point de vue et de nous faire part de leurs observations des situations qu’ils ont rencontrées. Ce sont eux qui jouent le rôle d’experts pour ce numéro consacré aux départs initiés.
J’espère que le propos de cette lettre vous intéressera et je vous en souhaite une bonne lecture.
Cordialement plus.
Domitille Tézé
RESTER OU PARTIR ?
Il est parfois des moments dans la vie d’un dirigeant où sa carrière n’évolue pas (ou plus) comme il le souhaiterait. Et ça peut être pour des raisons très diverses.
Par exemple parce qu’il ne se sent plus en accord avec la stratégie de l’entreprise,
ou plus aligné avec sa culture ou ses valeurs. Ou parce qu’il ne voit plus de perspective pour lui dans l’organisation et que des signaux le lui confirment (mauvaise évaluation annuelle, encouragement informel à regarder en dehors de l’entreprise, absence de bonus, non invitation à un événement, réduction de son périmètre de responsabilité, nomination d’une nouvelle personne entre son chef et lui…). Ou qu’il a le sentiment d’avoir fait le tour de son job, qu’il s’ennuie, s’étiole, stagne, et que cette sensation de fin de cycle se traduit par le besoin de tourner la page. Que son travail ne nourrit plus ses aspirations, que sa motivation se tourne vers des projets différents. Que l’entrain et l’envie ont laissé place à la fatigue, la lassitude, la déprime.
Ou qu’à l’intérieur de l’entreprise les relations sont devenues toxiques, que ça lui pèse, qu’il en souffre.
Quelle qu’en soit la raison c’est un moment de crise, éprouvant, douloureux même.
Et le corps ou le caractère souvent s’en ressentent et adressent des signaux manifestes : réveils difficiles, fatigue, stress, insomnie, irritabilité, dépression, voire burn out
ou bore out…
Cela devient alors un moment de vérité qui exige une réponse.
Dans cette position critique le dirigeant est conduit à se poser deux questions :
dois-je rester dans mon entreprise ou en partir ? Et s’il me semble préférable de partir, comment le faire ? Pour lui le temps
est venu de prendre une décision.
Deux questions dont le traitement requiert du recul et du discer-nement. Pas facile quand on est soi-même dans le nœud du problème !
Rester ou partir ?
Pour répondre à cette question, il convient d’analyser les bénéfices mais aussi les risques de chaque alternative. Car si quitter l’entreprise présente des risques, y rester en présente d’autres parfois plus grands : risques pour sa santé, sa confiance en soi, l’estime de soi, sa réputation ou son employabilité.
Il est des situations où rester devient si intenable, où les signaux émis par l’entreprise sont si négatifs qu’il devient évident pour le dirigeant qu’il va prochainement quitter la société. Il peut alors prendre l’initiative de se faire accompagner pour activer lui-même un départ qui se fera de toute façon, et qu’il subirait s’il ne faisait rien maintenant.
Mais dans d’autres situations, le dirigeant a plus de difficulté à regarder la réalité en face, et si certains reconnaissent qu’ils traversent une crise, il faut les aider à prendre conscience de la nécessité de réagir. Ne rien faire leur parait moins difficile, moins périlleux car moins incertain, moins engageant, moins culpabilisant.
Dans tous les cas, ils doivent analyser leur situation avec lucidité et répondre aux trois questions qui leur permettront de prendre une décision :
1
Pour quelles vraies raisons souhaiteraient-ils tourner la page ?
Sont-elles purement professionnelles ? Ou sont-elles corrélées, avec d’autres enjeux, par exemple personnels ou familiaux ? Auquel cas, un départ constitue-t-il la bonne réponse au bon problème ? La question est-elle posée au bon endroit ?
2
Quels sont les bénéfices et les risques de rester ou de partir ?
Ils doivent être évalués sur trois plans : personnel, professionnel et financier.
“C’est une question d’équilibre, souligne Emmanuel Pérard, un dirigeant a tendance à considérer une crise de carrière sur le seul plan professionnel. Or cette crise l’impacte nécessairement sur le plan personnel et sa personne doit rester sa première préoccupation.”
3
Est-ce le bon moment de partir ?
Compte tenu de sa situation matérielle ou familiale actuelle, est-ce le bon moment pour le dirigeant de quitter son entreprise ? Et est-il aujourd’hui en état de mener un projet de départ ? “Il nous est arrivé de suspendre une mission, raconte Valérie Féret-Willaert, car notre cliente, à ce moment-là, n’était pas en mesure d’avoir la bonne réflexion. Et elle nous en a été reconnaissante par la suite.”
Les réponses à ces questions permettent d’établir l’écologie du projet. S’assurer avec le dirigeant que s’il quitte son entreprise, c’est pour de bonnes raisons, que la démarche est saine, que la décision est éclairée, que les risques sont identifiés et assumés.
Pour cela nous prenons le temps de le challenger, nous décortiquons ses motivations et ses constats avant de valider avec lui la pertinence d’un départ. “Tout l’enjeu, souligne Thierry Guinard, est de veiller à ne pas mettre en danger la personne. Elle ne doit pas quitter son job si le risque s’avère trop fort.”
Bien tourner la page
Une fois la décision prise, vient alors la mise en place d’un départ.
La stratégie consiste à partager avec son employeur le constat que la situation doit évoluer et qu’ il est dans l’ intérêt des deux parties de mettre en place un départ.
Puis ce départ une fois acté, de le mettre en œuvre, de négocier les conditions de la séparation afin de tourner la page dans les meilleures conditions personnelles, financières et professionnelles.
La différence avec un départ subi (lorsque l’entreprise prend unilatéralement la décision de la séparation), c’est que le dirigeant en est le pilote : il y est préparé et en a mesuré chaque enjeu. Mais la démarche est plus longue et le dirigeant doit s’adapter au rythme de l’entreprise, plus lent que le sien, et se préparer à traverser des périodes de haut et de bas. “Nous entretenons avec lui, souligne Sophie Thoral, un esprit de partenariat sur la durée, pour l’aider à conserver un niveau de confiance et d’énergie, même dans les moments plus difficiles.”
Être accompagné, on le voit, lui permet de parcourir cette longue démarche avec plus de force et de sérénité. L’équipe qui l’accompagne lui fait profiter d’expériences sur de nombreux autres cas, ce qui lui donne un coup d’avance dans sa compréhension des situations et dans ses discussions avec son employeur. Elle lui permet de bénéficier d’une expertise légale et financière qui lève ses incertitudes et diminue ses angoisses. Elle lui apporte enfin de la présence, de l’enthousiasme, une dynamique précieuse au cours de cette course au long cours.
La course est longue mais à la fin, la crise s’est transformée en opportunité. C’est non seulement une résolution, la transition positive d’une situation vers une autre, mais c’est surtout pour le dirigeant qui l’a conduite, une forme de mutation et de transformation qu’ il ne connaîtrait pas s’ il avait laissé l’entreprise prendre l’ initiative. ■
La lettre de Transition Plus est éditée par Transition Plus
1, rue de la Banque 75002 Paris – Tél 09 67 82 14 55
Directrice de la publication : Domitille Tézé
Comité éditorial : Nicolas Bontron, Valérie Féret-Willaert, Thierry Guinard, Emmanuel Pérard, Sophie Thoral, Jean de Mesmay, Alix Gautier.
Directeur de la rédaction : Michel Clavel – Conception & réalisation : Mathilde Guillemot. Crédit photos : Milena Perdriel
Dépôt légal : octobre 2021.